TERRE!, ÉDITIONS MILAN, 2008

Notre planète est malade et la poursuite d’une croissance économique infinie, dans un monde qui ne l’est pas, ne peut être qu’illusoire. Selon François Lemarchand, le retour à l’équilibre écologique entre nos besoins et les ressources que nous offre la nature reste une priorité. Ce rééquilibrage nécessite une prise de conscience collective de la part des citoyens, des gouvernements mais avant tout des entreprises au sein desquelles il convient de mettre sur un pied d’égalité création de richesses, gestion des ressources et équité sociale. Au-delà de la simple stratégie marketing, le développement durable devra être une seconde nature pour l’entreprise de demain. Stanislas Dupré, spécialiste de la démarche de développement durable appliquée à l’entreprise, Vincent Rouxel, consultant en stratégie économique depuis plus de 30 ans et François Moisan, directeur de la stratégie et de la recherche à l’ADEME, réagissent à ses propositions et les enrichissent.

Point de salut sans développement durable -Problématique  p. 7/8-
En 1854, le grand chef indien Seattle, s’adressant à des représentants du gouvernement américain, aurait déclaré : « Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. » Cette citation, plus que jamais d’actualité, résume bien la philosophie que nos sociétés modernes, et par la force des choses le monde de l’entreprise, devront adopter pour freiner rapidement le pouvoir de nuisance qu’ils exercent sur les équilibres naturels.

Il ne fait désormais plus l’ombre d’un doute que notre belle planète bleue est malade de la croissance économique sans limite que lui inflige notre espèce. Pour mieux s’en convaincre, rappelons que nous consommons aujourd’hui en l’espace d’une semaine l’équivalent de la production matérielle de toute l’année 1900. Dans une société vouée corps et âme à l’économie de marché, les responsables des grands groupes industriels assurent qu’ils ne font pourtant que répondre aux besoins des consommateurs que nous sommes. Difficile de croire que des objets de la taille d’une boîte d’allumettes permettant de téléphoner, de prendre des photos, de visualiser des vidéos, tout en offrant la possibilité à son heureux propriétaire de surfer sur Internet, ont germé dans l’esprit de quelques citoyens éclairés. Mais l’idée d’un « consomm’acteur » tout-puissant arrange sans doute le monde de l’entreprise qui se dédouane ainsi de toute responsabilité vis-à-vis des produits qu’il fabrique ou des services qu’il propose.

Pour la plupart des patrons, écologie ne rime pas avec économie. Sans doute parce que le premier élément ne peut être apprécié que sur le long terme, voire le très long terme, alors que l’économie libérale, dont la finalité reste le profit immédiat, interdit à l’entreprise de prédire son avenir au-delà de trois ou quatre ans. Dans cette vision à court terme de l’entreprise, gagner de l’argent ou en perdre est une variable que le système capitaliste permet par ailleurs de mesurer aisément. Mais l’impact des achats de matières premières de cette même société sur la destruction d’une forêt située de l’autre côté de la planète ou sa part de responsabilité dans l’augmentation de l’effet de serre, sont des paramètres qu’il est très difficile d’appréhender à travers le prisme de l’économie de marché. C’est pourtant ignorer un peu trop facilement que ce sont les ressources naturelles (énergies fossiles, ressources minières, biodiversité, eau…) qui alimentent nos appétits insatiables de consommateurs occidentaux. Chaque jour, nous absorbons via nos usines, nos voitures, nos maisons, nos centrales énergétiques ou nos exploitations agricoles, une quantité d’énergie que la Terre aura mis près de trente ans à produire. Il est donc urgent de rééquilibrer la machine économique ! Pour inverser cette tendance mortifère, le développement durable se propose de réinventer l’entreprise. Son credo : mettre sur un pied d’égalité création de richesses, gestion des ressources et équité sociale.

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