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CNRS LE JOURNAL n°282, AUTOMNE 2015

Astrophysique. En dressant les contours du superamas de galaxies qui abrite notre  Voie lactée, Hélène Courtois faisait il y a un an une découverte majeure. Elle vient d’être nommée membre senior de l’Institut universitaire de France

Le 4 septembre 2014, Laniakea faisait la une de la prestigieuse revue Nature. Ce nom d’origine hawaïenne signifiant « horizons célestes immenses » désigne désormais le super-continent extragalactique dans lequel nous vivons. «D’une largeur de 500 millions d’années lumières, ce superamas qui rassemble plus d’un million de galaxies s’apparente à un gigantesque réseau hydrographique où les plus grandes galaxies attirent les plus petites sous l’effet de la gravitation », résume Hélène Courtois. Astrophysicienne à l’Institut de physique nucléaire de Lyon, elle dirige l’équipe Cosmics Flows, à l’origine de cette découverte retentissante. Cet été, elle démontrait aussi l’existence d’une « super-autoroute cosmique » permettant aux petites galaxies d’être propulsées en orbite autour de galaxies plus massives comme la Voie lactée. Tandis que la simulation numérique de la naissance de Laniakea réalisée par son équipe sera publiée dans quelques jours. Ses années passées à cartographier la voûte céleste pour en révéler ses  frontières et son architecture lui valent aujourd’hui la reconnaissance de ses pairs : en avril dernier, elle est ainsi devenue la sixième astrophysicienne membre senior de l’Institut universitaire de France depuis sa création, en 1991. Il y a vingt ans, elle soutenait une thèse sur le Grand Attracteur, une anomalie gravitationnelle localisée dans le superamas Laniakea: « Cette structure que personne n’avait jamais pu observer, avait été nommée ainsi car de nombreuses galaxies semblaient attirées vers cette zone de l’Univers qu’on imaginait comme une énorme masse sphérique et obscure. »

8000 galaxies répertoriées

A l’époque la doctorante ne parvient pas à trouver de meilleure explication. Mais la jeune astrophysicienne est du genre pugnace. « La quête de connaissances a toujours été une véritable obsession pour moi.» Devenue enseignante-chercheuse en cosmologie, elle décide en 2006 de renouveler cette question de recherche. Elle met alors sur pied une équipe d’une dizaine d’astronomes. Répartis aux quatre coins de la planète dans les observatoires les plus performants jamais construits, ils traquent sans relâche les galaxies. Six ans plus tard, ils ont réussi à mesurer la vitesse de 8000 d’entre elles. Un patient travail de modélisation de ces données permettra ensuite à Hélène Courtois et à son équipe d’établir une carte des flux des galaxies dans la région du Grand Attracteur. Et de faire voler en éclats l’image d’amas très dense que s’en faisaient les astrophysiciens: « Nous avons démontré qu’il s’apparente davantage au vallon central d’un continent céleste vers lequel s’écoulent cinq rivières de matière. »

Une passion communicative

Ce saut conceptuel a un peu chamboulé la vie de la chercheuse. « Je reçois désormais tellement d’e-mail qu’il m’est devenu impossible de répondre à tous », avoue-t-elle. Mais de séminaires en conférences, elle a, une année durant, raconté avec passion l’épopée scientifique qui l’a conduit à la découverte de Laniakea. « Cela fait partie des missions des chercheurs de diffuser leurs résultats », estime-t-elle. Elle y parvient si bien qu’en juin dernier elle remportait le prix 2015 du Festival du film de chercheur pour son court-métrage présentant le travail quotidien de l’équipe pour obtenir ses résultats. Désormais, une bonne partie de son temps est consacrée à enrichir le catalogue de galaxies du projet Cosmic Flows: « Pour démontrer que le concept des  bassins versants de matière s’applique à d’autres superamas de galaxies, il nous faut pousser l’exploration jusqu’à un milliard d’années-lumière de le Terre. »  Une quête vertigineuse loin d’effrayer l’astrophysicienne.

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